« Je suis un croque-monsieur » ou quand la femme devient l’égale de l’homme

egalite homme femme

Il y a quelques semaines, une équipe de recherche de l’Inserm, « Contexte des sexualités en France », publiait les premiers résultats d’une grande enquête sur la sexualité des Français. En ressort un certain nombre d’enseignements, à commencer par une libération des mœurs du côté des femmes : en effet, le nombre moyen de partenaires sexuels au cours de la vie chez les femmes de 18-69 ans ayant déjà eu un rapport sexuel a augmenté au fil du temps, passant de 3,4 partenaires en moyenne en 1992 à 4,5 en 2006 et à 7,9 en 2023. 
Révolution féministe, progrès social ou simple feu de paille ?
On tente d’y répondre ici mais surtout, on se pose des questions, ensemble…

Les temps changent (doucement, mais ils changent !)

Non seulement les femmes déclarent avoir plus de partenaires mais leur satisfaction sexuelle est en légère augmentation ! En effet, en 2023, 45,3 % des femmes se déclarent très satisfaites de leur vie sexuelle actuelle (elles étaient 47,0 % en 1992 et 43,6 %). La satisfaction sexuelle des hommes a, elle, diminué, passant de 45,0 % en 1992 à 35,1 % en 2006, pour remonter à 39,0 % en 2023. La satisfaction sexuelle est plus élevée aujourd’hui, à tous les âges et pour les deux sexes, qu’elle ne l’était en 2006.
Le “Jouissons sans entrave” que les féministes du MLF (Mouvement de Libération des Femmes) scandaient dans les manifs de mai 68 semblent avoir été entendu (et appliqué) 60 ans après. Quelle belle nouvelle ! Clémentine Autain l’expliquait parfaitement dans son article “Féminismes et sexualité” de 2002 : “Comme le rappelle Élisabeth Badinter, « la définition du genre implique spontanément la sexualité : qui fait quoi et avec qui ? L’identité masculine est associée au fait de posséder, prendre, pénétrer, dominer et s’affirmer, si nécessaire, par la force. L’identité féminine, au fait d’être possédée, docile, passive, soumise ». Connaître son corps pour sortir de la passivité historique dans laquelle ont été enfermées les femmes et devenir des actrices de leur sexualité : telle est l’une des perspectives majeures visée par les féministes.”
Si le progrès des femmes en France se mesure (aussi) à ses avancées en matière de liberté sexuelle, nous pouvons dire, en 2025 et les résultats de cette enquête l’attestent, que la mission est plutôt accomplie.
Et pourtant…

De “Marie-couche-toi-là” à “bandeuse d’hommes” : les clichés sexistes ont la vie dure

Il fut un temps où la virginité était une “valeur cardinale de l’identité féminine” (lisez à ce propos le passionnant ouvrage “Histoire des sexualités en France : XIXe-XXIe siècle” de Sylvie Chaperon, Emmanuelle Taraud et Christelle Deschamps). Où “le système de la double morale” prévalait, autrement dit, où l’adultère s’appréhendait de façon différente selon que vous étiez un homme ou une femme (pensons à Victor Hugo et ses deux femmes, Adèle Foucher et Juliette Drouet…). Où les grands libertins étaient le symbole d’une masculinité virile (Sade, Casanova -“Me sentant né pour le sexe différent du mien, je l’ai toujours aimé, et je m’en suis fait aimer tant que j’ai pu « ).
Une “fille facile”, une “bandeuse d’hommes” (sondez vos ados, vous aurez sa définition !), un “croque-monsieur” comme pudiquement écrit en titre de cet article, une “Marie-couche-toi-là” comme disaient nos grands-parents (en fait nos arrières-arrières-arrières-grands parents puisque l’expression remonte au moins à 1876 et « L’Assommoir » d’Émile Zola « Les fleuristes ? Toutes des Marie-couche-toi-là (…) Vous savez, je ne suis pas une chienne, je ne mets pas les pattes en l’air quand on me siffle » !). Hier comme aujourd’hui, la liberté des mœurs, chez la femme, a mauvaise presse. L’idée qu’une femme puisse aimer les plaisirs de la chair fait désordre. Là où l’homme serait un coureur (vous noterez la connotation de performance physique…), la femme serait une “salope”. Le “slut shaming”… Encore un joli mot, tiens !

Mais ça va mieux quand même aujourd’hui, ne noircissons pas tout. Merci à l’indépendance économique (et donc aux victoires du MLF !). On est à peu près libres de mener nos vies comme on l’entend (enfin, dans nos sociétés occidentales), de parler de sexe et de nos désirs avec nos partenaires, de faire l’amour ou de ne pas faire l’amour et d’avoir un sexfriend, un mari, un amant ou tout ça à la fois ! Merci à toutes ces femmes qui ont eu le courage de parler et d’avoir inversé le rapport de force. Il n’y a plus qu’une seule façon de vivre la sexualité, c’est-à-dire de manière traditionnellement masculine. Et ça, c’est nouveau pour beaucoup d’hommes. #Metoo. #Metoo. #Metoo !

Le “body count” ou le multipartenariat décomplexé ?

Prenons “le “body count” par exemple. Cette expression a été empruntée au monde militaire pour dresser le bilan des victimes à la suite d’une opération, d’un accident ou d’une catastrophe naturelle. Elle est aujourd’hui utilisée dans la vie de tous les jours (surtout chez les jeunes) pour compter ses ex, c’est-à-dire le nombre de personnes avec lesquelles on a couché- “C’est quoi ton body count” ?”.

Parlons chiffres donc : l’enquête nous révèle que le nombre moyen de partenaires sexuels au cours de la vie chez les femmes de 18-69 ans a augmenté, passant de 3,4 partenaires en moyenne en 1992 à 4,5 en 2006 et à 7,9 en 2023. Pour les hommes, ces chiffres sont stables entre 1992 et 2006 (11,2 et 11,9 respectivement), mais augmentent drastiquement en 2023 (16,4 partenaires en moyenne).

Quant au multipartenariat, c’est-à-dire le fait d’avoir eu plusieurs partenaires dans les 12 derniers mois, il augmente lui aussi, en particulier chez les jeunes de 18 à 29 ans, passant de 9,6 % en 1992 à 19,3 % en 2006 à 23,9 % en 2023 pour les femmes, et de 22,9 % en 1992 à 29,0 % en 2006 et 32,3 % en 2023 pour les hommes.

C’est une des scènes les plus connues du cinéma (et des fans de comédie romantique) avec celle de la simulation de l’orgasme de Meg Ryan dans “Quand Harry rencontre Sally” de Rob Reiner (1989). Souvenez-vous de “Quatre mariages et un enterrement” de Mike Newell sorti en 1994 (pas difficile, vous l’avez vu 53 n’est-ce pas ?). Andie MacDowell annonce son mariage à Hugh Grant qui lui demande combien elle a connu d’hommes. “J’ai vu ta robe. On n’a plus de secrets l’un pour l’autre » lui dit-il. L’Américaine dénombre alors ses conquêtes (33, lui comprit). « Et toi, tu en as eu combien ? ». « Moi j’en sais rien… Pas autant, en tout cas. C’est à se demander ce que j’ai fait de mon temps. Je travaillais, j’ai beaucoup travaillé, j’ai passé toutes mes nuits à ça.« 
La scène a marqué les esprits parce qu’elle était tout à fait innovante (pour ne pas dire révolutionnaire) pour l’époque… Il y a 30 ans, le film bousculait les codes en inversant les rôles et de façon positive : une femme belle, libre, indépendante qui assume sa liberté sexuelle, c’est terriblement sexy !

Bon, un peu plus dans la fiction, il faut bien le dire, car dans la réalité, la question du “body count” reste épineuse : faut-il dévoiler le chiffre réel de nos partenaires au risque de se voir jugée ? La question, elle “est pas vite “répondue du tout” (comme dirait le maître du Bescherelle, l’influenceur JP Fanguin). Le sexisme, l’anti-féminisme et la misogynie ont la peau dure et se nichent partout comme des résidus de venin de l’ancien monde patriarcal qui a régi nos sociétés pendant plusieurs siècles – “une femme qui aurait de nombreux partenaires sexuels serait une $#&%!”. Point barre.. Gare donc aux pseudos avancés des mœurs qui n’en sont parfois pas !

Et après, la génération “No-Sex” ?

Parmi ses résultats, l’enquête a mis en évidence une baisse du nombre de rapports sexuels. En 1992, 86,4% des femmes âgées de 18 à 69 ans avaient eu des rapports sexuels au cours de l’année écoulée. Cette proportion est passée à 77,2% en 2023 (pour les hommes, on est passé de 92,1% en 1992 à 81,6% en 2023). 

Plusieurs autres études sont allées plus loin et ont posé le constat d’une génération “NoSex”, celle des jeunes qui feraient donc moins l’amour que leurs aînés. D’après une étude parue en 2019 dans le Wall Street Journal, 36 % des 18-38 ans auraient refusé un rapport sexuel, au cours des six derniers mois, pour regarder une série ou Netflix.

Les pratiques évoluent et redessinent la sexualité des Français. Les nombreuses initiales qui composent le sigle LGBTQQIP2SAA et tous les nouveaux mots définissant les genres en sont une bonne illustration : “skoliosexuel” (l’attirance sexuelle envers les individus non-binaires), “lithromantique” (une orientation omantique qui consiste à aimer sans souhaiter que ses sentiments soient réciproques), “bispirituel” (une personne avec un esprit féminin et un esprit masculin vivant dans le même corps), “demisexuel” (qui ressent une attirance sexuelle seulement après avoir développé une relation émotionnelle profonde avec une autre personne), “pansexuel” (une personne qui peut ressentir une attirance sexuelle, affective, physique, émotive et/ou spirituelle envers une autre personne, peu importe son identité de genre), “genre fluide” (une personne dont l’identité de genre et l’expression de genre ne sont pas statiques et peuvent fluctuer en fonction du moment et/ou des circonstances), allosexuel (une personne qui aime dire allo pendant l’acte sexuel). Et non, piège ! Il s’agit d’une personne ayant des attirances autres que l’hétérosexualité stricte, l’asexualité ou l’autosexualité.

La vie sexuelle et amoureuse est plurielle, riche, variée. Et distille l’idée que chacun est libre de vivre sa vie comme il l’entend et que l’identité et le bonheur ne passeraient plus forcément par le sexe. Une ode à la tolérance en somme.

Cette variété d’identités sexuelles est une richesse. D’autant que tous les psychologues s’accordent sur une chose : l’amour reste et restera le lien entre les gens, les jeunes et les vieux. Malgré les termes. Malgré les revendications, les comportements, les identités et les nouveaux genres.

En voilà une bonne nouvelle !

En 2025, la femme n’est plus cantonnée à une sexualité passive ou codifiée. Elle est libre de s’affirmer, d’aimer et de jouir sans se justifier. Alors, si l’on doit encore faire face à quelques résistances, rappelons-nous que le progrès se mesure aussi dans la pluralité des choix et la richesse des identités. Une révolution silencieuse, mais bien réelle.

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