Halloween ou la métaphore du sentiment amoureux

La peur est une émotion que la fête d’Halloween célèbre mortellement. Regarder des films d’horreur, faire et se faire peur sont de drôles d’activités qui pourtant réveillent en nous toute l’ambivalence des sentiments. Pire ! L’amour et la sexualité répondent aux mêmes codes que la peur. Restez assises, on vous explique.

À mon avis, Halloween est la fête la plus laide qui soit. Elle célèbre la mort, le morbide et tout ce qui s’apparente à la laideur de ce monde. Même les couleurs choisies ont un goût de « reviens-y pas ». Pourtant, la peur fait partie de nos vies, au delà du 31 octobre. Elle se retrouve partout, et surtout… en amour. Car le lexique amoureux est blindé de ces métaphores en apparence glauques, comme ce cannibalisme assumé (je te mange) et pourtant complètement normal. Mais  pourquoi est-ce si important de lier peur et amour pour comprendre nos vies sentimentales ?

Fais-moi peur, pour voir

Dans la vie, si nous commençons nos nuits avec les contes pour enfants plus effroyables les uns que les autres (Blanche neige, le petit poucet, la liste est longue), c’est que ces livres permettent aux enfants d’avoir des représentations de leurs propres peurs. Ils ont peur mais ne savent pas vraiment de quoi. Les livres, avec leurs mots, leurs images, leur permettent d’accrocher leurs peurs à celles d’un autre.
Ces craintes, que l’enfant ressent confusément mais ne peut dominer, vont lui permettre de découvrir que d’autres les ont éprouvées avant lui. Et qu’ils ont su s’en débarrasser. Les livres lui disent ceci : tu traverseras des épreuves, mais, comme eux, tu les dépasseras, et tu vivras.  Cette attirance pour l’effroi diminue ensuite d’intensité, jusqu’à connaître un regain d’intérêt à l’adolescence puis à l’âge adulte, avec l’amour, entre autres aventures flippantes, à laquelle survivre, c’est sûr !

" Toutes les histoires d'abandon, de séparation, posent la question de la mort"

Une passion dévorante, on en mangerait

D’où nous vient cette manie de vouloir manger quelqu’un qu’on aime trop ? Du bébé au chaton, en passant par Brad Pitt, on a tous entendu cette petite voix intérieure nous dire « Je le boufferais, il est à croquer, mange-le ». Ce vocable de l’amour semble tout droit sorti de « Cannibale Holocauste ». Pourtant, les psychanalystes en expliquent les raisons et nous rassurent au passage. Ces pulsions cannibales sont une sorte de retour aux sources. Le premier rapport à l’autre c’est celui du fœtus dans le ventre de sa mère, c’est celui de manger, d’absorber l’autre pour devenir soi-même. De ce lien de nourrissage vient le lien affectif. Chose un peu étrange mais qui s’explique aussi, du coup : le dégoût physique va de pair avec le dégoût gustatif.
Plus tard, nous projetons ce lien originel sur les personnes aimées, d’où l’envie de les manger, quand on se rend compte qu’elles ne sont pas forcément toujours présentes, pas toujours là pour nous ; d’où l’envie de mordre qui peut apparaître, comme une manière d’exprimer sa frustration.

Fascinée par les vampires? Non non, juste par Tom Cruise

Le vampire est l’illustration parfaite du carnivore érotique. Car entre adultes, la morsure est l’illustration d’une ambivalence entre la violence et l’affection. C’est l’éternelle dualité entre Éros, l’amour, et Thanatos, la mort. Dans le cadre amoureux ou sexuel, la morsure est l’expression d’un désir en équilibre entre plaisir et douleur, du baiser à la morsure il n’y a qu’un pas… Manger l’autre est une manière de se l’approprier, de l’absorber, de le garder en soi. Ainsi, de la même manière que certaines tribus dévoraient le corps de leurs ennemis pour absorber leur force, avaler un être cher c’est ingurgiter toutes ses qualités. C’est d’autant plus vrai dans une relation amoureuse, notamment au début, lorsqu’on est encore au stade passionnel, car on a alors tendance à idéaliser l’autre, à projeter sur lui toutes nos espérances de bonheur et donc à lui attribuer d’innombrables vertus que l’on aimerait posséder soi-même. Et quand l’église en rajoute une couche avec son eucharistie (manger le pain, c’est manger un bout du corps du Christ), on est pas sortis des ronces !

La petite mort, ou fondre de plaisir

Autre parallèle pour le moins déconcertant : comparer la mort à l’extase ultime lors d’un rapport sexuel. On dit merci à Ambroise Paré, premier chirurgien du roi Charles IX au XVIe siècle, à qui l’on doit l’expression de la petite mort. Et quand l’orgasme et mort se rejoignent concrètement, on appelle ça l’épectase, mourir pendant l’orgasme. Petite parenthèse et avant d’y passer, rappelons que la prochaine journée mondiale de l’orgasme est le 21 décembre, pour entrer dans l’hiver le sourire aux lèvres… 

Les papillons dans le ventre, la peur à la sauce romantique

Même  là, vous allez voir que le romantisme ne survit pas à la chimie. Car quel est le point commun entre un tour de grand huit et le sentiment amoureux? La trouille ? Les papillons dans le ventre ? Nous y voilà, cette sensation qui est sensée décrire l’émoi est la même que lorsqu’on tombe dans le vide. Pas surprenant car scientifiquement, les papillons dans le ventre sont une réponse à un stress éprouvé. Le cerveau déclenche la production de l’adrénaline. Celle-ci chasse le sang du ventre vers les autres organes. La sensation associée est semblable à un papillon volant dans tous les sens, d’où l’utilisation de cette métaphore… c’est chimique, pas romantique.

Pour toutes ces raisons, avoir peur en amour est normal, aimer se faire peur est normal, vouloir manger son amoureux est normal. Bref, amour et peur sont intimement liés. Alors allez-y gaiement, faites-vous peur, ayez peur, la vie, les papillons, les bonbons sont le reflet d’une vie faites d’amour. Happy Halloween !

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